20 textes sinon pan-​pan cul-​cul : un exemple d’autoritarisme pédagogique | L’Ecole de la lutte ! #8 – [Extrait – mai 2023]

Depuis le ministère Blanquer, c’est un calvaire d’enseigner le français en première. Mort de la liberté pédagogique, mort de tous les autrices et auteurs au programme, pluie de séquences clef en main   soi-disant salvatrices mais surtout complices de la transformation de l’enseignantE en simple exécutantE. Extrait du journal départemental - L'Ecole de la Lutte ! #8


Depuis le ministère Blanquer, c’est un calvaire d’enseigner le français en première. Mort de la liberté pédagogique, mort de tous les autrices et auteurs au programme, pluie de séquences clef en main   soi-disant salvatrices mais surtout complices de la transformation de l’enseignantE en simple exécutantE.

Comment chercher à achever l’esprit critique de l’enseignantE - exécutantE ? En créant la panique ! Au programme indigeste et mortifère s’ajoute l’éventail inabordable des exercices type bac : analyse linéaire, commentaire composé, question de grammaire, exposé sur cursive, dissert’ sur œuvre.  Quel est le but de cette réforme ? Tout secouer, tout mélanger, fagoter le bac français en épreuve de capes, d’agreg déguisée, ouvrir la voie royale à l’élitisme de terminale et au plagiat du grand oral de l’ENA.

Avec Blanquer la liberté pédagogique a été sacrifiée pour un élitisme d’apparat, avec Pap Ndiaye l’autoritarisme étouffe enseignantEs et élèvEs dans un corset de plus en plus étriqué. L’épidémie COVID a peut-être retardé l’exécution totale et surtout la logique implacable et comptable du nombre de textes à maîtriser pour l’oral : 20 au minimum en série générale ! Notre nouveau ministre s’est bien chargé de la relayer et de veiller à l’appliquer.

On avait déjà dit adieu aux choix des œuvres, des auteurICEs, au sens des savoirs, nous avions apprivoisé en serrant les dents la contrainte de bachoter, aller souvent trop vite et surtout demander aux élèvEs d’être de vrais couteaux suisses pour faire face aux bouleversements élitistes ; cela n’a pas suffi : place à présent aux injonctions martelées et aux coups de marteau sur les doigts ! Depuis le 2 mai, nos boîtes mail sont inondées de fichiers où apparaissent en rouge, en majuscules et en gras : 20 TEXTES EN SÉRIE GÉNÉRALE ! C’est un nouveau passage en force, un 49.3 de l’éduc nat’ pour mettre fin à la contestation unanime depuis des mois.

 Les syndicats dénoncent depuis février l’infaisabilité de ce nombre démesuré, une illusion d’échanges avec les inspecteurICEs a eu lieu lors de groupes de travail. Voici un extrait de la réponse, rendant compte de ce dialogue de sourd.e.s : « Nous avons été interpellés sur le nombre de textes. Nous avons bien pris note des inquiétudes que certains professeurs ont pu exprimer à ce sujet, lors de ce groupe de travail ou à d’autres occasions. Nous rappelons toutefois, comme nous l’avons fait aux professeurs du groupe de travail, qu’un professeur qui déroge aux textes réglementaires en vigueur se met en défaut » (réponse de l’académie d’Orléans-Tours).

Malgré ces menaces, nous sommes nombreusEs à ne pas flancher, à avoir exprimé notre refus par courrier pour le bien des élèvEs, pour ne pas les mettre en panique avant les épreuves, pour qu’iels puissent toutEs suivre en cours de français sans céder à la tentation de l’avalanche de polycopiés ou d’analyses de textes dictées, pour préserver notre relation de confiance et notre posture éducative. En conséquence, la répression commence à tomber. Ce 12 mai, dans un établissement de l’académie d’Aix-Marseille, l’équipe de lettres a été convoquée par une inspectrice, la proviseure a refusé de signer leurs descriptifs et les professeurEs ont été « signaléEs en haut lieu pour faute ». C’est sûrement le début d’une longue liste mais surtout d’un autoritarisme s’abattant à tous les étages.

La crainte du pan-pan-cul-cul ne serait-elle pas agitée pour faire regretter les grèves, démobiliser pour la suite mais aussi s’assurer d’un élitisme renforçant les inégalités ?  Et si l’on décidait de faire un pas de côté, prendre le contre-pied : n’y a-t-il pas de quoi redoubler de colère ? A nous de nous unir, réagir, pour les élèvE s et contre les réformes de plus en plus dévastatrices.


e[extrait] Journal départemental - mars 2023 

Cet article est un extrait du journal départemental de SUD éducation 13 de mai 2023 - L'Ecole de la Lutte ! #8 : Ne restons pas sages !

L’Ecole de la Lutte ! – Ne restons pas sage ! | #8 – mai 2023