La jeunesse mise au pas | L’Ecole de la lutte ! #8 – [Extrait – mai 2023]

En décembre 2018, une centaine de jeunEs mis à genoux par les forces de l’ordre fières de leur acte et clamant « voilà une classe qui se tient sage ». Cette scène résume la vision que Macron et ses sbires ont de la jeunesse, conservatrice, exigeant une mise aux ordres de manière brutale. Depuis 2017, tous les moyens de propagande, des chienEs de garde à twitter, et de coercition sont utilisés pour la faire appliquer. Extrait du journal départemental - L'Ecole de la Lutte ! #8


Ainsi, la répression ne cesse de s’accroître sur une jeunesse à la fois criminalisée dès qu’elle demande des comptes et infantilisée quand elle demande un droit à la parole. Mais ces jeunEs sont aussi au cœur de programmes présidentiels qui se veulent futuristes, dans l’action constante et dans la volonté de remodeler une société débarrassée de toutes vieilleries, bref des relents fascisants des années 1920. 

Et pour cela Macron rêve d’un pays aux ordres, des salariéEs, aux chômeurEUSEs, en passant par les sans-papiers et les étudiantEs. Donc voilà l’Elysée décidant la mise en place d’une « aventure SNU », comprenez Service National Universel. Ce dispositif co-pensé par l’armée puisque c’est avec le général Daniel Ménaouine que l’Elysée a pensé cette expérience, doit concerner les jeunEs à partir de 15 ans. Promesse de campagne de 2017 afin de « renforcer le lien armée – nation », de développer chez la jeunesse « l’esprit de défense », « ce service militaire universel permettra aussi de disposer, en cas de crise, d’un réservoir mobilisable, complémentaire de la garde nationale » (Programme). Initialement Macron rêvait ainsi de formater 600000 jeunes par an. Mais cette jeunesse l’a tout simplement complètement ignoré lors du premier mandat – en effet seulEs 2000 jeunEs y ont participé en 2019 et 15000 en 2021. Une grande partie du monde associatif et des mouvements de jeunesse s’oppose à ce dispositif. Encadrés par des militaires, des dysfonctionnements graves sont repérés et médiatisés comme à Evreux en juin 2019 lorsque 22 jeunEs engagéEs  dans le cadre du SNU s’évanouissent suite à un exercice de représentation élaboré dans des conditions trop difficiles. Idem un mois plus tard lorsque deux anciens de l’armée organisent une punition collective en pleine nuit au lycée Edmond Rostand. Cela choque… Il n’empêche. Le SNU est réaffirmé comme priorité pour le second mandat avec une secrétaire d’Etat entièrement dédiée au programme, Sarah el Haïry. Ce dispositif est désormais organisé en trois temps, un « séjour de cohésion », une mission d’intérêt général de 84 heures, et un engagement bénévole dans une association, une administration ou un corps en uniforme.  Et dans une totale inversion des valeurs, et la pratique de la novlangue, ce qui doit être compris comme une obligation donc un devoir est présenté « comme un droit pour tous et toutes » par la secrétaire d’Etat … Effectivement, sortir des élèvEs de l’école pendant au moins deux semaines à partir de la seconde est désormais considéré comme une grande avancée sociale. 

Cependant, dans un contexte social enflammé et lâché par le Sénat qui dans un rapport du 8 mars dernier lui recommande de « surseoir » à cette généralisation du SNU notamment face au coût et au manque d’approfondissement du projet , « des incertitudes », Macron a été obligé de rétropédaler et d’enlever le SNU de la loi de programmation militaire présentée le 04 avril. Désormais vous ne trouverez plus sur le site présidentiel la mention « obligatoire », mais le dispositif doit « monter en puissance »…

Toujours dans cette mixité sociale en trompe-l’œil, la vaste fumisterie qu’est la plate-forme Parcoursup, arnaque numérique face au manque cruel et croissant de places dans l’enseignement supérieur. Dès 2017, Macron précisait que « l’Université n’est pas la solution pour tous », or l’Université est le terreau de la démocratie qui se pense – se panse – de l’accès à l’universalité du savoir pour toutEs. Or Parcoursup fait croire aux élèvEs et à leur famille que cet échec est le leur, qu’il est de leur faute, n’ayant pas suffisamment travaillé, obtenu les résultats attendus, etc. C’est ce que J. Faerber nomme l’apprentissage de la maltraitance. Parcoursup sera désormais généralisé à bac +3 afin de limiter davantage les jeunEs ayant accès aux Masters. 

Ainsi dans sa pensée toute néolibérale où l’individuE seulE échoue ou réussit, Macron favorise aussi, à travers cette exclusion, l’émergence du privé dans le secteur de l’éducation comme on peut le voir avec la floraison des « …business school » pour remplacer un État rendu absent, abscons.

Il est désormais interdit de rêver, de s’émanciper, de s’échapper, de s’offusquer ; l’école doit servir juste à former les futurEs travailleurEUSEs de cette société néolibérale voulue par Macron à coup de triques et de slogans. Ce formatage à outrance est visible dans la question de la tenue vestimentaire, que ce soit lorsque B. Macron explique qu’elle est d’accord avec l’uniforme scolaire, suite à une proposition de loi posée par le FN en début d’année ou dans le rejet de toute forme d’expression vestimentaire d’une jeunesse qui dérange,  à l’image des « tongues – chaussettes » interdites qui ont fait couler beaucoup d’encres, des « crop-tops » ou des robes jugées trop longues. Ainsi Macron n’a pas hésité à dire en 2021 que « Tout ce qui vous renvoie à une identité, une volonté de choquer ou d’exister n’a pas sa place à l’école ». Toute la liberté d’unE adolescentE doit se noyer dans « la tenue républicaine ». Enfin, cette mise au pas d’une école pour le patronat est visible dans la réforme de l’enseignement professionnel que Macron, grand paternaliste, tente d’expliquer directement aux lycéenEs. Ainsi, le but de cette réforme est d’arriver à « 100% d’embauche de ces jeunes ». Les formations doivent donc être « en adéquation avec les besoins des entreprises ». Et quid de l’enseignement supérieur ? Ce n’est pas le problème de Pap Ndiaye qui rappelle que la citoyenneté a aussi un côté « pratique », celle de « trouver un travail ». La jeunesse militarisée comme vaste réservoir de soldatEs, formatéEs comme vaste réservoir de main d’œuvre rendue docile par la responsabilisation mais aussi matraquée par la  répression. 

En effet, le mouvement social en cours, porté initialement par les OS, est de plus en plus dynamisé par la jeunesse notamment depuis le passage en force du gouvernement dans le cadre du 49.3. Des blocus sont organisés devant les lycées, dans toute la France, et même dans des établissements historiquement peu remuants comme Henri IV ou Jeanson de Sailly. Dans les universités, des occupations d’amphis sont devenues monnaie courante. Les AG fleurissent partout et dénotent une volonté autogestionnaire et une politisation des jeunEs face à ces coups de massues répétés depuis 2017.  Or comment répond le pouvoir macroniste ? Par les armes et des lois qui criminalisent les prises de parole estudiantines. Ainsi la Loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur prévoit depuis janvier dernier une amende de plus de 500 euros pour toute occupation de lieu d’études. En parallèle à cette criminalisation, la police en armes affronte désormais les lycéenEs, place en GAV à tour de bras les lycéenEs, parfois collégienEs, qui bloquent ou manifestent et pratique l’intimidation en les suivant dans les manifestations. Les témoignages visibles sur le compte du collectif Anti-Répression lycée sont glaçants. Le pouvoir fait preuve d’une violence préventive afin de terroriser la jeunesse. Pourquoi ? parce que les deux dernières grandes mobilisations des jeunes, en 1986 et en 2006, ont été un succès. Malgré les mises en garde de la CGLPL, commission indépendante chargée de contrôler les mises en garde à vue dans le contexte de la réforme des retraites, le pouvoir persiste et signe, niant toute légitimité aux contre-pouvoirs indépendants.  

La brutalisation du pouvoir passe par la criminalisation de toutEs celleux qui dérogent au discours d’une société atomisée, ordonnée, lissée, faite d’individuEs consentantEs et obéissantEs. La jeunesse est donc au cœur de cette brutalisation. Macron tape sur « le clou qui dépasse » afin d’instaurer un système illibéral basé sur de nouvelles valeurs, le sécuritarisme comme idéologie du tout-sécuritaire, l’autorité et le travail comme principal moyen d’aliénation.


e[extrait] Journal départemental - mars 2023 

Cet article est un extrait du journal départemental de SUD éducation 13 de mai 2023 - L'Ecole de la Lutte ! #8 : Ne restons pas sages !

L’Ecole de la Lutte ! – Ne restons pas sage ! | #8 – mai 2023