Pas de répression dans l’éducation : pour une expression syndicale sur la guerre israélo-palestinienne

Depuis le 7 octobre, le conflit israélo-palestinien est revenu au centre de l’actualité médiatique suite à l’attaque meurtrière coordonnée par le Hamas à partir de la bande de Gaza et à la réponse aveugle de l'armée israélienne , qui ont entraîné à ce jour la mort de plus de 1500 civiles israelienNEs et de plus de 3500 civiles palestinienNEs.

Nous tenons à rappeler d’emblée notre absolue solidarité envers toutes les victimes civiles, de quelque côté qu’elles soient. Et c’est en vertu de cette solidarité même, ainsi que de notre attachement à une paix réelle et durable, construite dans l’égalité, que nous nous indignons de l’asymétrie criante du traitement médiatique français des évènements récents ainsi que de leur instrumentalisation éhontée et dangereuse par le gouvernement.

Un conflit qui ne date pas du 7 Octobre

Le sang n’a pas commencé à couler le 7 octobre : au terme de près d’un an d’escalade où il n’était quasiment pas un jour sans que des palestinienNEs trouvent la mort dans l’apathie totale de la plupart des médias internationaux, Israël et les territoires palestiniens sont entrés dans une guerre sanglante et dévastatrice. Nombre de ceux ou celles qui s’indignent des violences commises ces dix derniers jours oublient qu’elles s’inscrivent dans l’histoire longue d’un conflit territorial majeur qui a vu l’occupation la plus longue du monde se transformer en processus d’annexion formelle.

Sans statuer sur la nature de l’État d’Israël et de sa légitimité, il nous appartient de rappeler la colonisation de fait subie par les PalestinienNEs à Jérusalem-Est et en Cisjordanie depuis 1967. IELLEs y sont maintenuEs dans 224 ghettos, privéEs du droit de circuler ou de s’associer librement du fait de centaines de barrages routiers et militaires. IELLEs sont soumisEs à des détentions arbitraires et prolongées (1260 personnes sont actuellement internéEs sans inculpation ni jugement), régulièrement expulséEs de force et tuéEs, à un rythme de près d’un par jour au premier semestre 2023.

À Gaza deux millions de personnes vivent sans pouvoir sortir d’un territoire étroit de 365km² en proie à de régulières pénuries d’eau, de nourriture, d’électricité et de médicaments. Depuis le début du blocus en 2007 six crises ont déjà eu lieu occasionnant le bombardement massif et destructeur d’une zone des plus densément peuplée au monde. Cette réalité est celle qui précède les récents massacres des civilEs israélienNEs. et palestinienNEs. Cette horreur survient après une escalade offensive de la part d’Israël pour maintenir et étendre la colonisation de la Palestine.

Couverture médiatique ou propagande d’État ?

Mais rien de tout cela n’a été évoqué ces derniers jours sur la plupart des journaux télévisés qui s’obstinent à présenter les évènements comme une guerre « Israël-Hamas » dans laquelle Israël fait office de démocratie exemplaire soudainement attaquée par des terroristes. Cette lecture des évènements, qui tend à réduire toute la Palestine à une obscure et effroyable activité terroriste est malhonnête et dangereuse.

Elle tend en effet à invisibiliser les victimes palestiniennes, la lutte palestinienne et à justifier son écrasement total au motif répété à l’envi qu’« Israël a le droit de se défendre ». Pas de guerre territoriale, pas de colonisation, pas d’apartheid : une démocratie face à des terroristes. Pas d’évocation des condamnations de l’ONU, 15 résolutions en 2022, aucune mention des morts tous les jours en Cisjordanie où le Hamas est pourtant absent, pas d’allusion aux nombreux rappels à l’ordre concernant le retour des réfugiés et à l’interdiction par le Droit intérnational de bombardements massifs et de punitions collectives.

De plus, la suspicion permanente de manque d’empathie frappe toujours et systématiquement les quelques-unEs qui osent rappeler le contexte et défendre la Palestine. Nous dénonçons la pression médiatique permanente à nier les souffrances palestiniennes, le contexte de leur lutte et leur droit à l’autodétermination. Ce point de vue légitime les bombardements atroces et répétés sur Gaza qui durent depuis le 7 octobre et ont déjà tué plus de 3000 personnes, dont un tiers d’enfants, en même temps qu’il soutient la politique du gouvernement d'extrême droite qui dirige actuellement Israël.

Une répression anti-démocratique en France

Nous condamnons fermement la criminalisation morale de tout soutien à la Palestine véhiculée par la plupart des organes médiatiques, et doublée d’une criminalisation effective menée par le gouvernement au moyen de mesures de répression pénale envers toute action ou prise de position de soutien à la Palestine.

En effet, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a interdit toute manifestation de soutien au peuple palestinien dans un geste aussi arbitraire qu'autoritaire. Seule la France s'est permise un tel degré de répression alors que tous les autres pays occidentaux, y compris ceux affichant un soutien sans faille à Israël, autorisent les manifestations de soutien à la Palestine. Le gouvernement a aussi annoncé vouloir dissoudre de nombreuses organisations défendant la Palestine, qu’elles soient politiques ou associatives, pratiques qui doivent nous alerter sur l’état de la liberté d’expression et d’opinion en France.

La ligne médiatique de criminalisation morale rejoint ainsi la ligne gouvernementale de criminalisation effective de la lutte palestinienne pour motif de terrorisme. Toutes deux se renforcent mutuellement pour créer les conditions d’un soutien indéfectible et total à l’État d’Israël en vertu de son prétendu « droit à se défendre » unilatéral et largement indéfini. Actuellement toute communication ou action affichant un soutien à la lutte palestinienne pour l’autodétermination fait encourir à ses auteurICEs le risque de poursuites judiciaires pour « apologie du terrorisme ».

Un amalgame dangereux est ainsi induit par la posture gouvernementale, qui cherche à assimiler tout soutien palestinien à du terrorisme et à de l’antisémitisme, étouffant par là toute possibilité d’un débat public serein et sérieux sur un sujet pourtant aussi complexe que dramatique. Si des violences antisémites ou islamophobes venaient à surgir sur le territoire français, le gouvernement en porterait une très large responsabilité, car l’instrumentalisation qu’il fait du conflit en vertu de ses alliances géostratégiques et de ses choix diplomatiques engage le pays dans une dangereuse confusion, qu’il entretient sciemment.

Pas de répression dans l’éducation

Nous refusons également l’injonction du ministère de l’éducation nationale à faire remonter des noms d’élèves qui n’auraient pas adopté l’attitude escomptée lors de la minute de silence en hommage à Dominique Bernard en parlant de la guerre israëlo-palestienienne. On ne peut leur reprocher de faire le lien entre le contexte géopolitique et la mort de notre collègue tant les médias font l’amalgame entre les deux événements.

De plus, le personnel de l’Éducation nationale n’a pas à entretenir et propager une lecture de la situation biaisée et partiale. Il s’agit de transmettre aux élèves des réflexes critiques, le goût de l’historicisation et de la nuance, non celui de la propagande de guerre, des raccourcis fallacieux et des amalgames hypocrites.

Nous défendrons en ce sens la liberté de recherche et d’analyse du personnel de l’enseignement supérieur et de la recherche dont la parole est muselée par sa ministre de tutelle qui met certainEs collègues en danger suite à des accusations d’apologie du terrorisme.

SUD éducation 13 réclame :

  • Un droit à manifester son soutien au peuple palestinien
  • La libération des militantEs placéEs en garde a vue et l’arrêt de toute autre répression policière ou judiciaire en France
  • Aucun signalement d’élèves et l’abandon des poursuites disciplinaires et judiciaires
  • Une liberté d’expression pour les personnels de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche

SUD éducation 13 soutient les revendications de Solidaires :

  • L’arrêt immédiat des bombardements à Gaza
  • La protection des réfugiéEs palestinienNEs
  • Le droit à l'autodétermination de tous les peuples sans États
  • L’arrêt immédiat du régime d’apartheid à Gaza et des colonies israéliennes en Cisjordanie
  • La libération des otages

Nous condamnons fermement et combattons tous propos racistes, antisémites et islamophobes et dénonçons avec la plus grande inquiétude l’instrumentalisation gouvernementale et médiatique des évènements récents, dont pourraient souffrir les personnes de confession juive et musulmane en raison de la confusion entretenue par la communication gouvernementale et les principaux médias.