Déclaration | « Nous sommes tristes et révolté-​es » – CSA d’Aix-​Marseille du 21 novembre 2023

Le 21 novembre 2023 se tenait au rectorat d'Aix-Marseille un CSA académique. Les syndicats SUD éducation y siègent et leur éluEs ont saisi cette occasion pour faire déclaration liminaire  suivante devant le Recteur de l'Académie. 

Depuis le 19 septembre, date du dernier CSA, des événements dramatiques ont eu lieu qui ne sont pas sans répercussions sur le quotidien des établissements, sur les personnels, sur les élèves. Dominique Bernard, un enseignant, est mort à Arras pour avoir tenté de raisonner un jeune homme mu par l’envie de commettre un massacre. Un enseignant tué, en France, à nouveau. À quelques milliers de kilomètres, des milliers de civilEs sont aussi mortEs et continuent d’être tuéEs en Israël, en Cisjordanie et à Gaza. Inutilement. Pris dans cette spirale, les actes de rejet, de haine, et de  racisme notamment d’antisémitisme se démultiplient. N’allons pas croire que nous, personnels et nos élèves, vivons hors de cette actualité lorsque nous pénétrons dans nos salles de classe. Comment faire face à ça ?

Les syndicats SUD éducation de l’académie d’Aix-Marseille ont, avec des dizaines d’autres associations, ONG, partis politiques et syndicats, choisi d’appeler depuis le début à un cessez-le-feu immédiat, au dialogue, au respect des droits humains partout et tout le temps, au rejet de la violence et des appels à la haine, au refus de l’enfermement dans une posture de vengeance systématique. Nous aurions voulu que, dans notre pays, notre ministre, et avec lui l’ensemble du gouvernement portent le discours pacifique de respect des droits humains, y compris en Cisjordanie et à Gaza.

Nous sommes tristes et révoltéEs de voir que ce ne fut pas le cas. Tristes et révoltéEs de constater qu’après une rentrée nourrie de discours nauséabonds et déjà fortement stigmatisants pour une partie de nos élèves en raison de règlements sur leur tenue, notre ministre se livre à des prises de parole enflammées pour appeler à la plus sévère intransigeance envers les élèves suspectés d’avoir des comportements contraires à ce que lui et un bloc réactionnaire considèrent comme « la laïcité ». Tristes et révoltéEs de constater qu’il multiplie les appels sans nuance au signalement, à la remontée de tout comportement jugé comme « problématique ». Affichant comme un trophée inquiétant les centaines de cas d’incidents dans les établissements, notre ministre nie au passage la relativité de ce chiffre par rapport au nombre d’élèves que nous accueillons tous les jours. Il oublie en plus que nous avons en face de nous des enfants et des adolescent.e.s en construction. Ne faisant pas la part, dans sa communication, entre la provocation, le sentiment de révolte nourris d’une actualité internationale complexe, et la réelle radicalisation, il offre ainsi une nouvelle fois, un tapis rouge à un discours fortement inspiré par l’extrême-droite sur l’éducation…

À quelle société destinons-nous nos élèves ? Que disent les choix de l’Éducation nationale ou ceux de notre académie du monde dans lequel nous souhaitons que nos élèves vivent ?

Ces questions qui peuvent sembler relever d’un niveau autre que le nôtre et sur lesquelles un CSA académique n’a certainement pas le temps de se pencher, sont pourtant présentes dans chacune des petites décisions prises, y compris à notre niveau.

Quelques exemples :

  • Le choix du montant de la revalorisation de l’ IFSE pour les infirmier.ières de l’académie. Sur les deux heures de temps qu’a duré le GT sur la question de la revalorisation de l’IFSE, nous avons consacré une heure sur le seul cas des infirmier.ières. Là, l’ensemble des organisations syndicales ont dénoncé l’iniquité de la ventilation envisagée par le Rectorat, le sentiment de mépris qui pourrait en découler pour les infirmier.ières en établissement et le fait que le cadre règlementaire n’impose pas une telle répartition. Nous nous sommes tou.te.s mis à calculer pendant 1h comment faire une répartition différente et l’impact que cela aurait sur chaque groupe. Pour finir, une proposition était sur la table qui paraissait possible à mettre en œuvre et satisfaisait l’ensemble des OS présentes. Deux semaines plus tard, le document envoyé par le Rectorat rejette en bloc les propositions de ce GT. Le choix est donc fait de renforcer les inégalités au sein d’un même corps et d’envoyer un signe de mépris à celles et ceux qui sont au quotidien dans les établissements.
  • Concernant les lignes directrices de gestion des carrières SUD éducation rappelle ses positions sur ce sujet : SUD Éducation s’oppose à tous les systèmes de primes qui divisent les enseignantEs et renforcent le pouvoir hiérarchique au détriment du travail collectif. Nous travaillons déjà dans nos établissements avec des collègues qui, pour la même fonction et les mêmes contraintes, touchent des salaires différents et sont victimes d’une précarité qui s’aggrave d’année en année ! SUD Éducation rejette la compétition entre collègues ainsi que la multiplication des statuts et des grades, le système des promotions au choix, des hors-classes et classes exceptionnelles et à tout processus de notation au « mérite » dont nous pensons qu’elles n’ont rien à faire dans le service public.
  • Dans la partie sur l’orientation des élèves, au milieu des dizaines de tableaux statistiques, un point est fait sur la découverte des métiers au Collège. Si les syndicats SUD éducation de l’académie d’Aix-Marseille sont totalement en phase avec l’objectif collectif de réduction des inégalités sociales et l’enjeu affiché de parvenir à un épanouissement des élèves, les réponses qu’apportent le Rectorat sont significatives de ce à quoi nous préparons les élèves et de l’horizon mental dans lequel nous évoluons. Pour réduire les inégalités sociales il faudrait donc, en plus de permettre à chaque élève de se projeter dans le monde économique et professionnel, développer l’ambition… « L’ambition » est un terme qui revient à de nombreuses reprises. Soit parce que « nous » considérons que les élèves en manquent, soit parce qu’il s’agit d’un objectif à atteindre. Mais associer découverte du monde économique et « ambition », ça ne peut que renvoyer à l’acception dominante dans notre société : ambition comme réussite, réussite entendue comme réussite scolaire, professionnelle voire pécuniaire, toujours dans une vision élitiste et néolibérale de la société. Projet qui colle parfaitement à la réforme du lycée professionnel que les personnels et les syndicats dénoncent et refusent toujours avec force.
    Quelques exemples pour des choix qui, à défaut d’être contredits, renforcent les déséquilibres de notre société : la hiérarchie, l’élitisme et le néolibéralisme.

Les syndicats SUD éducation de l’académie d’Aix-Marseille s’y opposent, soutiennent et continueront de soutenir l’ensemble des personnels qui se battent pour un service public d’éducation émancipateur pour toutes et tous.

Nous tenons à rappeler également les enjeux majeurs auxquels notre système scolaire est confronté : celui de former les futurs habitantEs de demain, libres et capables d’exercer leurs droits démocratiques, celui d’une reconversion écologique de la société, celui de lutter contre les inégalités sociales, mais aussi celui de protéger les enfants et les jeunes face aux violences.

À ce niveau, les syndicats SUD éducation de l’académie d’Aix-Marseille ne peuvent que se satisfaire du fait que le harcèlement scolaire soit enfin devenu une priorité. Mais si nous voulons avoir des résultats et pouvoir espérer mettre fin à la déjà trop longue liste des élèves qui meurent d’avoir trop soufferts à l’école, ce ne sont pas de simples questionnaires dont nous avons besoin mais de temps et de moyens. La lutte contre le harcèlement scolaire est transversale et passe par un combat de tous les instants contre les représentations et les discriminations raciales, LGBTQIAphobes et sexistes, validistes qui en constituent souvent le terreau fertile.

C’est pourquoi SUD éducation appelle tous les personnels à participer à la journée de lutte contre les violences sexistes et sexuelles le 25 novembre.

Nous terminerons en évoquant deux sujets qui ne sont pas à l’ordre du jour de ce CSA mais pour lesquels nous tenons à alerter l’administration :

  • Les syndicats SUD éducation de l’académie d’Aix-Marseille demandent avec de nombreuses autres organisations syndicales l’abandon des évaluations d’école. Ces évaluations participent à la dégradation des conditions de travail des enseignant.e.s du premier degré  qui voient leur temps de travail s’accroître. L’obsession évaluative s’inscrit dans la vision libérale de l’éducation portée par le Président de la République et ne répond en rien aux besoins des personnels et des élèves.
  • Le syndicat SUD éducation de l’académie d’Aix-Marseille demande l’arrêt de la refonte de la formation continue. Nous refusons le recours de plus en plus systématique au distanciel, l’organisation des formations hors temps scolaire et le projet de les rendre obligatoires. Si près de la moitié des enseignant.e.s considèrent que la formation ne répond pas à leur besoin d’après le rapport Longuet, la réformer au pas de course avec des visées budgétaires sans tenir compte de ce que peuvent en dire les enseignant.e.s et les formateur.trice.s ne pourra répondre efficacement aux attentes des personnels pour une formation de qualité.

SUD éducation revendique des moyens supplémentaires pour baisser le nombre d’élèves par classe et pour pouvoir accompagner tous les élèves dans leur scolarité, qu’importe leurs difficultés. Contre la politique étriquée des “Savoirs fondamentaux”, SUD éducation revendique un collège unique dans lequel toutes les matières ont leur place sans mise en concurrence de celles-ci dans une optique disciplinaire et transdisciplinaire. Regardons en face les difficultés de notre système éducatif et soyons ambitieux.euses dans nos réponses : donnons les moyens à l’école de remplir son rôle émancipateur pour former des individus libres et égaux.


Notes

Le CSA académique: Le Conseil Social d'Administration traite de l'application de toutes les questions politiques et des grandes orientations des réformes au niveau académique. On y parle entre autres de la question des moyens, des questions d'hygiène et de sécurité, de temps de travail, de l'organisation des services...

Une déclaration liminaire : Au début de chaque instance académique, ministérielle ou départementale, qui réunissent l'administration et les représentant-es des personnels, les organisations syndicales peuvent faire une déclaration introductive.