Congrès 2013 | Le Livret Personnel de Compétences (LPC) : un outil de destruction pédagogique

La pédagogie par compétences n'est pas une invention de l'école libérale. Des enseignantEs l'ont expérimentée hors de cadres hiérarchiques coercitifs, dans des démarches de type Freinet par exemple. Il s'agit alors de contractualiser avec l'élève la mise en oeuvre des acquisitions de savoirs et de savoir-faire au cours d'un cycle par exemple, et de faire le point régulièrement sans avoir recours à une notation chiffrée potentiellement sclérosante et stressante.

Les apprentissages familiaux (marche, bicyclette, natation...) sont des apprentissages par compétences puisqu'il s'agit perpétuellement d'expliquer à l'enfant ce qu'il sait faire désormais et ce qu'il lui reste à apprendre.

SUD éducation Bouches-du-Rhône ne remet donc pas en cause le principe d'un apprentissage par compétences à l'école à condition qu'il soit le fruit d'une pratique professionnelle personnelle ou concertée en équipe, adaptée à un établissement, une classe, unE élève.

Il apparaît que le concept de pédagogie par compétences tel qu'il doit être mis en œuvre dans le LPC est complètement dévoyé. Il n'apporte aucun des avantages cités précédemment et fait peser au contraire de graves dangers sur notre système éducatif:

Le LPC participe à la construction d'un modèle de société qui n'est pas le nôtre
  1. Le glissement progressif d'une pédagogie qui a vocation à transmettre une culture universelle vers une pédagogie de validation des acquis a pour but de supprimer à terme les diplômes qui sont corrélés au Code du travail. Celui-ci, vidé de sa substance, laissera des salariéEs gratifiéEs par l'école d'une employabilité qui leur conférera des droits minimaux.
  2. Le LPC peut être intégré au "passeport orientation et formation" qui est en passe de devenir l'équivalent du livret ouvrier aboli en 1890 et qui fut un puissant outil de contrôle du patronat sur le salariat. Le LPC constitue un gigantesque fichage de la population dès le plus jeune âge.
  3. Le LPC crée de fait de lourdes inégalités entre des établissements qui ne sont plus astreints à dispenser les mêmes enseignements. En zone d'éducation prioritaire, il est d’ores et déjà vivement conseillé de s'en tenir au socle commun de compétences.
  4. Les deux dernières compétences du LPC ("Les compétences sociales et civiques" et " L'autonomie et l’initiative") s'apparentent bien souvent à une exigence de savoir-être qui est totalement contradictoire avec l'idée que l'école est un vecteur d'émancipation.
  5. Évaluer les élèves via des critères censés être efficients est un prétexte pour évaluer les enseignantEs à l'aune de la réussite de ces élèves. Il est extrêmement pernicieux d'appliquer à l’Éducation nationale des procédés de management (évaluation chiffrée des performances) qui affligent les travailleurs-euses du secteur privé et qui sont complètement absurdes lorsqu'il s'agit de mesurer une production si particulière: l'éducation d'un enfant.
Le LPC participe à la perte de sens de notre métier
  1. Première cause de perte de sens: les items à valider ne sont pas le fruit d'une concertation des équipes, ils sont imposés, clé en main, par le ministère. La compétence devient alors clairement contradictoire avec la connaissance et la pensée qui se retrouve fragmentée en pièces détachées et désarticulées. L'école sacrifie l'apprentissage des savoirs et de la réflexion au profit de celui de techniques et de savoir-faire mécaniques.
  2. Seconde cause de perte de sens: ces items, trop nombreux jusqu'à 2012 ont été réduits à la portion congrue, mais dans les deux cas, ils balaient sporadiquement quelques points du programme de chaque matière. Il est difficile de comprendre pourquoi telle notion a été retenue plutôt que telle autre.
  3. Troisième cause de perte de sens : le LPC se pare des atours de la concertation quant à sa mise en œuvre mais dans le secondaire, une validation des items élève par élève, dans une démarche interdisciplinaire, est si compliquée à réaliser et si chronophage que le partage des items est fait entre les disciplines, ce qui vide le LPC du sens que ses concepteurs avaient fait semblant de lui donner.
  4. Quatrième cause de perte de sens: comme un bon enseignant est désormais celui ou celle qui valide le plus d'items, on assiste à un véritable dumping des validations dans les établissements où le LPC n'est pas remis en cause. Les injonctions des chefs d'établissement achèvent de clarifier la situation: l'on est sommé de "valider" sans qu'il ne soit jamais fait mention des moyens pour y parvenir ni de la légitimité d'une telle démarche pour telle ou tel élève. La pédagogie, la didactique semblent  être des concepts qui appartiennent au passé dans cette école du début du XXIème siècle où il s'agit davantage de valider plutôt que d'enseigner, de paraître plutôt que d'être.
Le LPC est une absurdité
  1. Appliquée avec zèle, la validation des compétences telle qu'elle est exigée est stressante et anxiogène puisqu'il s'agit à chaque seconde de faire le lien entre les situations d'apprentissages, les interventions des élèves et les items à cocher. Elle crée ainsi une déconnexion forcée entre l'enseignantE et sa classe. Elle est une cause inutile d'épuisement professionnel.
  2. Le LPC est une illusion car s'il y a un sens à dire à un-E élève qu'il/elle sait ou ne sait pas faire telle ou telle chose à un moment donné, il n'y en n'a pas à graver cela dans le marbre du LPC: ce qui est su aujourd'hui sera sans doute plus ou moins oublié demain (mais sera peut-être réactivé après-demain).

SUD éducation Bouches-du-Rhône considère que le LPC est dangereux et contre-productif et que le valider participe à perdre le sens de notre métier.

SUD éducation Bouches-du-Rhône appelle donc les enseignantEs du primaire et du secondaire à organiser collectivement un boycott systématique du LPC.

SUD éducation Bouches-du-Rhône soutiendra tousTEs les collègues qui suivront cette consigne syndicale.