Communiqué | Dans l’Education, l’amiante n’en finit plus d’être un scandale

Ce lundi 4 mars a été diffusée sur France 5 une enquête de Vert de Rage intitulée “Amiante : l’école malade”. Ce reportage très attendu a mis en en lumière les dysfonctionnements dont l’Education nationale et de nombreuses collectivités territoriales sont responsables. Près de 30 ans après son interdiction, l’amiante n’en finit plus d’être un scandale sanitaire au sein de l’Education nationale. Si dans les écoles et les établissements scolaires, l’amiante tue, l’inaction des pouvoirs publics aussi. 


Les différents travaux journalistiques qui ont été menés ces dernières années sur la question de l’amiante au sein de l’Éducation nationale mettent au jour une réalité à laquelle est quotidiennement confronté SUD éducation 13. 

Au cours de la campagne syndicale menée depuis l'automne dernier, les militant-es de SUD éducation 13 se sont d’abord retrouvé-es confronté-es à une très forte opacité de la part des collectivités territoriales comme de l’Éducation Nationale. Bien souvent, les Dossiers Technique amiante (DTA) ne sont pas communiqués et lorsqu'ils le sont, ils ne sont souvent pas à jour et comportent d’importantes incohérences. Pire encore, certains DTA établissent des recommandations urgentes qui ne sont pas suivies d’effets plusieurs années après. Ce n’est pourtant pas faute pour SUD éducation de rappeler systématiquement la réglementation en vigueur et de tirer la sonnette d’alarme. 

Pour rappel, SUD éducation 13 a adressé en décembre des demandes de consultation de DTA à plus d’une vingtaine de collectivités des Bouches-du-Rhône et seulement trois lui ont répondu (Martigues, Port de Bouc, les Pennes-Mirabeau). 

Préférant quant à elle rejeter la faute sur les collectivités locales, l’Éducation Nationale, près de 30 ans après l’interdiction de l’amiante, n’est toujours pas capable d’établir la moindre cartographie précise de la présence d’amiante dans le parc scolaire. Pendant ce temps-là, des centaines de personnels de l’Éducation tombent malades dans l’indifférence de leur employeur tandis que d’autres meurent dans le silence coupable des pouvoirs publics. Et que dire des conséquences d’une telle incurie sur nos élèves ? Peut-on concevoir que l’école, lieu dans lequel l’avenir s’imagine, soit aussi funeste ? 

Rappelons que l’amiante est un cancérogène sans seuil, c’est à dire qu’une seule fibre peut suffire à rendre gravement malade celui ou celle qui l’ingère. Or avec 85 % des écoles et établissements scolaires bâtis avant le 1er juillet 1997, date de l’interdiction de l’amiante en France et donc fortement susceptibles d'en contenir, l’Éducation nationale est particulièrement concernée par ce danger. La situation locale n’échappe pas à la règle et les établissements amiantés dans les Bouches-du-Rhône sont nombreux. Le chiffre avancé de 30 % est largement sous-évalué justement en l’absence de données fiables et clairement établies.

Les résultats de l’enquête réalisée par l’agence « Santé publique France » en 2019 ont de quoi faire froid dans le dos. Depuis 1997 environ 400 personnels de l’éducation auraient développé un cancer de la plèvre communément appelé cancer de l’amiante. Celle-ci place les personnels de l'Éducation parmi les catégories les plus exposées au risque. L’enquête souligne elle-même les limites de son analyse. Confrontée au manque de données produites par l’Éducation nationale et à la rapidité des décès des personnes dont le diagnostic de mésothéliome pleural a été prononcé, l’enquête de l’agence rattachée au ministère de la santé ne peut donner qu’un aperçu des conséquences de l’amiante dans l’Éducation nationale. En somme, c’est le crime parfait, celui qui ne laisse pas de trace.

Faudra-t-il attendre 30 ans de plus pour que le ministère de l’Éducation, le gouvernement, le ministère de la santé, les collectivités territoriales daignent prendre à bras le corps ce sujet de santé publique primordial ? Sans mesures nationales fortes, les directions académiques (DSDEN), comme celle des Bouches-du-Rhône, semblent désemparées. L’action syndicale finit néanmoins par porter progressivement ses fruits et quelques avancées ont été consenties par la DSDEN 13, même s’il ne s’agit ni plus ni moins que de rattraper le retard accumulé. 

Les personnels des Bouches-du-Rhône, formé-es et informé-es par les organisations syndicales, ont ces derniers mois multiplié les alertes et les droits de retrait. Ils et elles participent ainsi activement à faire bouger les lignes et à faire de la question de l’amiante un sujet de premier plan. 

Plutôt que d'enterrer les maigres tentatives mises en place ces dernières années comme l’a fait Jean-Michel Blanquer en 2020 en supprimant l’Observatoire de la Sécurité et de l’accessibilité des établissements d'enseignements, organisme indépendant qui avait entamé un travail de recensement de la présence d’amiante dans le parc scolaire national. 

Au rythme où vont les choses, et avec un délai de latence de certaines maladies, de 20, 30 ou 40 ans, le pire est devant nous. Si le Haut Conseil de la Santé Publique tablent sur 100 000 morts liées à l’amiante d’ici 2025 qu’en sera-t-il dans une dizaine d'années ? Si les pouvoirs publics estiment le coût du désamiantage trop élevé, qu’ils mesurent donc celui que représente leur inaction en soins et en vies humaines. 

Car il s’agit bien ici de parler du désamiantage total. Nous le réaffirmons, face à toutes les tentatives de minimisation ou de déconstruction du risque, tant qu’il y a de l’amiante, il y a du danger, et ce danger n’est pas acceptable. À l’heure où des annonces sont pourtant faites sur la rénovation thermique des bâtiments, que la métropole dépense des fortunes en portails de sécurité, que rien ne soit prévu au sujet de l’amiante rend la situation d’autant plus intolérable.

L’enquête de Vert de Rage le montre très bien : non seulement l'Éducation nationale ne parvient pas à respecter la réglementation, mais celle-ci est elle-même dépassée. L’utilisation de prélèvements surfaciques, absents de la réglementation française actuelle, montre à quel point les outils de mesure à notre disposition ne sont plus à la hauteur. L’ANSES, comme la circulaire Lebranchu, plaident depuis plusieurs années pour un abaissement des seuils (0,5 fibre/par litre d’air au lieu de 5 fibres/litre d’air dans la réglementation actuelle) pour correspondre davantage à l’état des connaissances scientifiques. 

La campagne de SUD éducation 13

C’est la raison pour laquelle SUD éducation a lancé depuis l’automne dernier une vaste campagne de lutte contre l’amiante dans les locaux de l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur. Celle-ci se traduit sur le terrain par l’organisation de nombreuses formations syndicales et de réunions d’information et de sensibilisation des personnels, par l’outillage de nos collègues afin qu’ils et elles puissent être vigilant-es et se protéger, par la collecte des DTA auprès de l’Éducation nationale et des collectivités territoriales ainsi que l’interpellation de l’administration de l’Éducation nationale à toutes les échelles. 

Ainsi SUD éducation 13 revendique :

  • la mise à disposition des documents prévus par la loi aux usagers et usagères, aux personnels et aux organisations syndicales ;
  • la mise à jour immédiate des dossiers techniques amiante avec des diagnostics de qualité, et le respect du cadre réglementaire pour tous travaux ;
  • le suivi médical pour l’ensemble des élèves, étudiant-es et personnels exposé-es, et l’établissement de fiches d’exposition pour toutes les personnes concernées ;
  • la mise sous abri des élèves, étudiant-es, personnels dans des locaux provisoires de qualité, à l'écart des travaux ;
  • la formation effective au risque amiante de tous les personnels ;
  • la mise à l’ordre du jour dans les meilleurs délais du dossier amiante dans les instances santé sécurité et conditions de travail des académies et des établissements du supérieur ;
  • la révision des normes en matière d’amiante, l’utilisation de nouvelles techniques de mesures de la présence d’amiante et l’abaissement des seuils.

Enfin, et parce que tant qu’il sera présent dans les locaux de l’Éducation nationale l’amiante sera toujours un danger, il est grand temps de mettre fin à l’inaction coupable du ministère et de faire preuve enfin de transparence. 

SUD éducation 13 demande la mise en place d’un plan de désamiantage total des établissements scolaires des Bouches-du-Rhône. 

Une bonne fois pour toutes, il faut en finir avec le scandale permanent de l'amiante. 


Notre dossier de campagne