SUD éducation 13 alerte sur une pratique de plus en plus répandue dans les collèges et lycées des Bouches-du-Rhône : des directions d’établissement ne renouvellent pas les contrats des AssistantEs d’éducation au-delà de la cinquième année, voire de la quatrième, pour empêcher les demandes de cédéisation à la fin des 6 ans. Outre sa violence, une telle pratique traduit une ignorance de ce qu’est aujourd’hui le métier d’AED et de ce qu’il est amené à devenir.
Depuis 2023, SUD éducation 13 est très sollicité en fin d’année scolaire pour défendre des AED empêchéEs de bénéficier d’un CDI après 6 années de service en CDD. Nous sommes aussi régulièrement alertéEs sur des licenciements à 5, voire 4 ans d’ancienneté, sans autre motif que celui-ci : des directions d’établissements anticipent sur la possibilité pour les AED de demander une cédéisation au terme de la 6e année, en les licenciant un ou deux ans avant.
La même situation se répète souvent : ces chefFEs d’établissement ne “veulent pas de CDI”, ou bien décident arbitrairement qu’il doit y avoir un “quota de CDI d’un ou deux maximum” à la vie scolaire. Pourquoi ? La réponse, formulée de façon variée (mais aussi parfois inavouée), revient à peu près toujours au même : AssistantE d’éducation ne serait pas “un vrai métier”.
Que ce soit après 4, 5 ou 6 ans, ces mêmes directions réagissent souvent brutalement quand elles se voient demander de rendre des comptes, notamment sur la violence qui est de considérer les AED comme des employéEs jetables, renouveléEs ou non selon un bon vouloir arbitraire. Sans parler des conséquences sur la suite de leur carrière, dans la mesure où unE AED qui change d’établissement pour sa 5e ou 6e année aura des difficultés à être recrutéE, précisément parce qu’approche le moment du passage du CDD au CDI.
Une vision rétrograde du métier d’AED
Pourtant, cette pratique d’entrave à la cédéisation traduit une vision totalement surannée et rétrograde du métier d’AED. D’abord, sur le profil : en 2024, les 3000 AED de l’Académie d’Aix-Marseille ont en moyenne 30 ans pour les hommes et 32 pour les femmes, beaucoup ne sont pas étudiantEs et n’ont pas de supposé plan de repli après le métier d’AED. De plus, déjà 14% sont en CDI, ce qui représente une augmentation de 31% par rapport à l’année précédente.
Ensuite, sur les missions : le besoin d’assistantEs d’éducation n’est pas un besoin provisoire de l’éducation nationale et il va au-delà de la seule “surveillance” : construction de projets, suivi de classes et d’élèves, prise en charge de “devoirs faits”, investissement dans les micro-collèges et micro-lycées, etc. Iels jouent un rôle éducatif essentiel. Comme nous le répétons souvent, les bahuts ne fonctionnent pas sans elles et eux !
Pour fonctionner vraiment, les vies scolaires ont besoin de stabilité et de pérennité, pas de précarité. Alors que la formation professionnelle des AED est quasiment inexistante, les collègues en CDI jouent bien souvent un rôle crucial de transmission aux nouvelles et nouveaux. Les AED se trouvent ainsi prisEs dans plusieurs logiques qui se contredisent : l’accès au CDI est entravé, alors que dans le même temps une diversification de leurs missions éducatives (voire pédagogiques) est de plus en plus exigée, et qui nécessite expérience et formation.
Alors qu’aujourd’hui le programme pHARe de lutte contre le harcèlement scolaire se systématise dans les établissements, on semble oublier que la cédéisation des AED… a été justement instaurée par loi sur le harcèlement du 24 février 2022 !
En réalité, quand des chefFEs d’établissement, ou des CPE, disent que les postes d’AED devraient être occupés uniquement par des “jeunes” ou des “étudiantEs”, ce qu’iels disent vraiment, c’est qu’iels préfèrent des AED corvéables, manipulables et précaires. Parfois, des directions, pleines de charité, se justifient même en affirmant que le métier serait trop pénible pour des personnes plus âgées… comme si le problème était l’âge et la condition physique, et pas les conditions épuisantes de travail !
Enfin, si les obstacles à la cédéisation sont si efficaces, c’est aussi grâce à une hiérarchie de l’éducation nationale qui les cautionne et les entretient. A partir du CDI, c’est officiellement le Rectorat qui devient l’employeur de l’AED. Pourtant, il ne trouve rien à redire au fait qu’unE AED puisse avoir six années d’évaluations professionnelles positives et de renouvellements, mais qu’une direction puisse émettre un avis défavorable au CDI.
Des Assistant·Es d’éducation aux Éducateur·TRICEs scolaires
A SUD éducation, nous défendons la cédéisation de toutEs les AED : comment justifier qu’on puisse être satisfaitE du travail d’unE AED pendant 6 ans, puis que tout change à ce moment-là ? Mais nous pensons qu’il faut aller plus loin. Nous défendons la création du métier d’éducateurTRICE scolaire sous statut de fonctionnaire de catégorie B.
La création de ce métier permettrait de prendre en compte les évolutions récentes de la fonction d’AED, qui font appel à des compétences éducatives de plus en plus élaborées, des compétences numériques également, mais de l’adosser à une formation professionnelle ambitieuse, pour aboutir à une plus grande professionnalisation de la fonction.
C’est toute l’institution scolaire qui gagnerait à création de ce statut, dans plusieurs domaines : lutte contre le harcèlement, prévention des risques, développement de l’empathie et des compétences psycho-sociales, décrochage scolaire, etc. L’objectif est de faire de la Vie scolaire un véritable pôle intermédiaire entre le pédagogique, l’éducatif, et le médico-social.
Précisons cependant que, conformément à nos revendications concernant l’inclusion scolaire, ce nouveau statut d’EducateuRICE spécialiséE doit être différent de celui des AESH pour lequel il nous semble primordial de garder une spécificité. Les missions des ÉducateuRICEs spécialiséEs ne prendraient ainsi pas en charge les questions liées à l’accompagnement des situations de handicap, ce qui n’empêche par ailleurs nullement un travail en équipe pluri-professionnelle, comme l’école le fait déjà souvent, mais en incluant désormais les éducateurRICEs scolaires.
Agir syndicalement, tout de suite
Dans l’immédiat, comment enrayer cette pratique des “non-cédéisations anticipées” ? Nous encourageons les collègues à poser le sujet de la durée des contrats AED dans leur établissement. En effet, c’est peu connu, mais les textes prévoient la possibilité de proposer des CDD non seulement d’1 an, mais aussi de 2 ou 3 ans. Ce combat peut être mené au niveau du conseil d’administration, en faisant le bras de fer notamment au moment de la délégation de signature pour les contrats des AED.
Enfin, une autre façon d’agir, est de faire connaître et défendre auprès de nos collègues la création du statut titulaire pour les AED, pour opposer aux pratiques managériales irréfléchies et bornées des chefFEs d’établissement la vision cohérente d’un métier d’avenir.