L'Observatoire sur le Financement des Établissements Scolaires Privés (OFESP), coalition d'organisations syndicales, de fédérations de parents d'élèves et d'associations citoyennes, lance une campagne sur la plateforme de la Cour des comptes afin de lutter contre le siphonnage organisé des fonds publics au profit des établissements privés.
Alors que l'école publique est étranglée par l'austérité, privée des moyens nécessaires pour accomplir ses missions, les pouvoirs publics organisent un surfinancement délibéré du secteur privé. Face à cette absurdité démocratique, l'Observatoire rassemble les principales organisations syndicales de l'éducation (SUD éducation, CGT, FSU, UNSA), la première fédération de parents d'élèves (FCPE), ainsi que des piliers de la société civile comme la Ligue des Droits de l'Homme.
Le système de financement public de l'enseignement privé est un scandale financier visant à subventionner un secteur concurrent de l'école de service publique.
Les conclusions de la mission d'information parlementaire d'avril 2024 sur le financement public de l'enseignement privé sous contrat démontre une très large absence de transparence sur les montants subventionnés et un manque total de contrôle. Avant cela, la Cour des comptes avait déjà alerté dans son rapport public de juin 2023 sur une réglementation permettant des dérives, voire des "détournements".
Ces constats révèlent une contradiction fondamentale au cœur de l'action de l'État. D'un côté, l'État est légalement contraint par des lois comme la loi Debré (1959) de financer massivement le secteur privé. De l'autre, il a le devoir de contrôler l'usage de ces fonds publics. Or, tout démontre qu'il remplit la première obligation avec un zèle notable qu'on ne lui retrouve pas pour la seconde. Ce n'est pas de l'incompétence, mais un choix qui trahit un projet politique en faveur du privé. L'État distribué consciemment des milliards d'euros sans mettre en place les mécanismes de contrôle qui s'imposent pour n'importe quelle autre dépense publique. Cette irresponsabilité organisée crée un terrain propice aux abus : les scandales retentissants des établissements Stanislas ou Saint-Joseph de Bétharram sont les symptômes les plus visibles d'un problème systémique
Le département des Bouches-du-Rhône constitue un exemple inquiétant de cette politique de sabotage du service public.
Les chiffres sont accablants. Entre 2018 et 2023, les subventions du Conseil Départemental 13 aux établissements scolaires privés ont explosé de 30 %. Sur la même période, alors que le secteur privé accueillait 1284 élèves supplémentaires, trois nouveaux établissements privés sous contrat voyaient le jour. En revanche, l'enseignement public, qui devait absorber une augmentation de plus de 6000 élèves, ne bénéficiait de la construction que d'un seul nouvel établissement.
Ces données brutes traduisent une décision politique limpide : celle de la collectivité départementale de privilégier le développement du marché scolaire privé au détriment direct de l'école publique, pourtant confrontée à une pression démographique bien plus forte. Il s'agit d'une stratégie de démantèlement du service public, où les ressources sont sciemment détournées des besoins réels de la population scolaire pour alimenter un système concurrentiel et ségrégatif.
Le secteur privé est une école du trie social et de la ségrégation.
Le ministère de l'Éducation nationale lui-même a été contraint de le reconnaître. Dans une note publiée en mai 2024, il dresse un état des lieux sans équivoque de la mixité sociale au collège : si la ségrégation tend à diminuer légèrement au sein des établissements publics, les disparités entre les secteurs public et privé, elles, ne cessent de s'accroître. Le rapport d'information parlementaire d'avril 2024 documente précisément les pratiques de sélection qui alimentent ce phénomène : captation des meilleurs élèves issuEs des établissements publics environnants et éviction des élèves plus faibles scolairement dans certains établissements. C'est la définition même du tri social. Les déclarations de l'ex-ministre de l'Éducation nationale, vantant les mérites de l'établissement privé catholique hyper-sélectif où elle scolarisait ses enfants, ne sont que l'expression arrogante du mépris de la classe dirigeante pour l'école publique qu'elle est censée défendre.
Le financement public du privé instaure une concurrence totalement faussée qui asphyxie l'école publique.
Avec des fonds publics abondants, une plus grande liberté dans la gestion de leurs moyens et la possibilité de sélectionner leurs élèves, les établissements privés peuvent offrir des conditions d'accueil perçues comme plus favorables. Ce modèle attire une partie des familles, notamment des classes moyennes et supérieures, qui désertent le service public. Ce dernier se retrouve alors avec une concentration accrue d'élèves issus de milieux défavorisés et rencontrant des difficultés scolaires, mais avec des moyens toujours plus contraints pour y faire face. C'est la spirale mortifère du sécessionnisme scolaire en action, financée par l'impôt de toutEs.
Il s'agit d'un programme de destruction du service public d'éducation. Chaque euro d'argent public versé à un établissement privé est un euro volé à l'école publique, la seule qui scolarise tous les enfants, sans condition de revenu ou de performance scolaire. C'est pourquoi la revendication de l'arrêt total du financement public du secteur privé est la seule réponse cohérente et juste.
A travers la plateforme de participation citoyenne, l'Observatoire souhaite impulser une enquête sur le financement du privé dans les Bouches-du-Rhône. La proposition de l'Observatoire ne se limite pas à une question de régularité comptable ; elle lie explicitement les flux financiers à la ségrégation sociale et scolaire. En acceptant d'enquêter sur ce sujet, la Cour serait contrainte d'aller au-delà du simple audit des comptes pour évaluer si l'usage des fonds publics atteint des objectifs de justice sociale et d'égalité. L'opacité, l'absence de contrôle et les résultats sociaux désastreux de ce système ne sont pas des dysfonctionnements, mais le résultat attendu de décennies de politiques néolibérales visant à affaiblir les services publics.
L'objectif final demeure inchangé : l'abrogation de toutes les lois, à commencer par la loi Debré de 1959, qui organisent le pillage des fonds publics au profit de l'enseignement privé. La bataille pour la transparence n'est que le prélude à la reconquête de notre bien commun : l'école publique, gratuite et émancipatrice.
L'ARGENT PUBLIC, À L'ÉCOLE PUBLIQUE ! PAS UN EURO DE PLUS POUR LE PRIVÉ !